Archives pour la catégorie Lettre ACTUEL

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ACTUEL 71 – Les déboires africains de la France

Après son éviction de la République centrafricaine, puis du Mali et du Burkina Faso, la France a dû retirer ses forces et fermer son ambassade au Niger. Dans cette Afrique sahélienne, anciennement soudanaise, qui constituait une partie essentielle de l’AOF d’antan, fleuron colonial s’il en fût, dépendant de Paris pour sa monnaie, sa langue, ses élites, son modèle politique et sa sécurité, le revers français est considérable et, probablement, durable. Dans trop de domaines et, particulièrement, la lutte contre le séparatisme et le djihadisme, la France a manqué à la fois de clairvoyance et de savoir-faire. Si la lucidité a effectivement fait défaut aux dirigeants politiques depuis François Mitterrand, les militaires français se sont trompés de mission, d’époque et de continent. On ne peut séparer les fautes des uns des erreurs des autres, le tout débouchant sur un fiasco déplorable. Le but n’est pas ici de revisiter tous les aléas de la politique africaine de la France depuis les indépendances, mais bien d’analyser comment d’une politique de coopération militaire axée sur la formation et l’assistance aux armées africaines, on s’est résolu à intervenir directement par la force armée pour défendre nos intérêts supposés et maintenir au pouvoir nos obligés.

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ACTUEL 70 – La dissuasion nucléaire en question ?

Si l’on considère l’activité guerrière de la plupart des puissances « dotées », c’est-à-dire détentrices, légitimes ou non, d’armes nucléaires, on pourrait en conclure que la dissuasion nucléaire est désormais datée, qu’elle a fait son temps et qu’elle doit aujourd’hui céder devant la pression, voire la submersion, qu’exercent soit des armements novateurs soit des modes d’action alternatifs.

Soyons lucides et objectifs : oui, la dissuasion a probablement fonctionné entre les deux super-grands durant la guerre restée par conséquent « froide » ; et sans doute aussi dans leurs camps respectifs comme dans leur environnement géopolitique où le seuil des conflits est le plus souvent demeuré infra-guerrier ; non, la dissuasion sous sa forme initiale n’empêche plus les conflits d’entrer dans une phase guerrière ouverte, qu’il s’agisse ou non de puissances dotées. D’une certaine façon, le monde a assimilé et digéré la dissuasion nucléaire et pratique depuis au moins deux décennies des modes de contournement qui pourraient se révéler désastreux. Est-ce à dire qu’une fois de plus dans l’histoire moderne la dissuasion a fait son temps et se trouve dépassée par l’innovation stratégique ?

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ACTUEL 69 – La Guerre et le Territoire

La trêve est finie… Trente ans de non-guerre après trente ans de guerre froide, cette double période d’exception sera citée dans les livres d’histoire comme une époque bénie et…anormale. Malgré des gesticulations géopolitiques, propres aux commentaires des experts, malgré des soubresauts régionaux dus la plupart du temps à des bévues stratégiques, le temps de nos générations a été calme. Le métier de soldat y était une sinécure au point que certains s’étaient déguisés en soldats de la paix, voire en humanitaires, et que leurs chefs en avaient désappris les règles élémentaires de leur office.

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ACTUEL 68 – De la guerre globale

A mesure que passe le temps de la guerre en Ukraine, nos regards restent obnubilés par les vicissitudes du champ de bataille dont, au premier rang, l’intensité des opérations militaires. Emportés par la pression médiatique, nous sommes focalisés sur les trois dimensions les plus apparentes de cette guerre, celle du front tout d’abord où se joue le sort des armes, celle ensuite des relations de Kiev avec ses alliés et leurs fournitures d’armes, celle enfin du Kremlin avec ses secrets, ses rodomontades et ses supposées fragilités. Pourtant, après dix-huit mois de combats âpres et coûteux, la situation opérationnelle demeure très incertaine et, malgré de nombreuses contre-attaques de part et d’autre, on ne perçoit pas encore de signes manifestes de ce qui pourrait la débloquer : soit que les Russes consolident voire accroissent leurs acquis au nord en direction de Koupiansk, soit que les Ukrainiens parviennent à opérer une brèche dans le dispositif défensif adverse au sud pour se lancer dans la reconquête des territoires occupés.

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ACTUEL 67 – Chine, une course au sommet problématique

Avec la Chine, il arrive souvent qu’on marche à contresens ; son image est souvent trompeuse, soit qu’elle apparaisse masquée, soit qu’on en altère la vision. Alors qu’il y a à peine vingt ans la fulgurante ascension chinoise était regardée avec condescendance sinon avec indifférence, tant paraissaient infranchissables les obstacles de tous ordres qui s’opposeraient à elle tôt ou tard et plutôt tôt que tard, aujourd’hui la puissance de la Chine est jugée aussi hyperbolique qu’infatigable tant par les médias que par les experts. On a eu grand tort au début des années 2000 – et les Chinois au premier rang – de ne pas mesurer la portée mondiale de l’exceptionnelle émergence de ce pays colossal ; on se trompe sans doute en 2023, sinon sur les ambitions du moins sur les perspectives à moyen et long terme que l’empire du Milieu peut raisonnablement envisager tant pour son emprise mondiale que pour son développement futur.

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ACTUEL 66 – Le destin de l’Europe

Le thème du « déclin de l’Occident » est récurrent depuis un siècle ; je l’ai évoqué à de nombreuses reprises dans ces chroniques pour tenter de démontrer son inadéquation au monde réel tel qu’on peut l’interpréter de nos jours. La parenthèse supposée de quatre siècles de domination occidentale, selon l’affirmation du singapourien Mahbubani, se réduit-elle à une réalité historique fondée sur la seule maîtrise scientifique, n’est-elle que la traduction d’un conflit de civilisations exprimé sous la forme virulente d’un rejet anti-occidental et d’un sursaut d’orgueil, ou procède-t-elle enfin de fondements plus anciens, plus profonds, plus radicaux ? En apparence, l’argument avancé est moins idéologique ou politique que comptable : l’Occident tout-puissant serait désormais minoritaire et voué à un rôle second ! Les origines, les fondements et l’histoire de la civilisation européenne m’incitent à contester cette vision à mon avis superficielle du monde.

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ACTUEL 65 – Oncle XI et Docteur XI Jinping

La Chine bouge. Certes, ce n’est pas le grand soir espéré par certains et dont la probabilité serait faible à terme visible, le traumatisme de Tian’anmen étant encore dans toutes les mémoires. Mais quelques milliers de protestataires dans une vingtaine de villes phares du pays ont eu raison du dogme de l’infaillibilité xi-jin-pingienne, avatar récurrent et éculé de la sagesse impériale. Le scénario du repli dogmatique chinois est parfaitement relaté par Alain Frachon dans sa chronique publiée par le Monde du 8 décembre. On peut en extraire trois observations : la première colle à l’actualité et s’intéresse à la façon dont la Chine a géré l’épidémie de Covid 19 depuis trois ans ; la deuxième est relative au conflit de priorité politique chinoise, entre l’idéologie et l’économie ; la troisième est plus générale et concerne le débat démocratie versus dictature pour déterminer lequel de ces régimes politiques est le plus efficace.

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ACTUEL 64 – La guerre de l’Amérique

Tel qu’il évoluait vers le chaos, le monde des années 2020 était devenu intenable. Insupportable en tout cas pour les Etats-Unis qui, après la parenthèse lamentable de la présidence Trump, voyaient leur rôle, leur influence, pour tout dire leur puissance, contestés et mis à mal par un nombre croissant de pays. Depuis 2001 et sa brutale réaction au Moyen-Orient après le 11 Septembre, l’Amérique se trouvait obligée de reculer sur tous les fronts jusqu’à son éviction catastrophique de Kaboul en août 2021. On pourrait faire le décompte, zone par zone, des déboires américains ; ils sont innombrables et il y faudrait plusieurs pages. Retenons simplement que leur accumulation, partant leur aggravation, finissait par poser un problème existentiel aux Américains. Tout le monde sait, même si l’on n’en mesure pas toujours l’incidence, à quel point les Etats-Unis sont divisés et…désunis ; les tensions et les oppositions internes paraissent irréductibles et elles s’intensifient du regard hostile qu’une partie du monde porte sur le pays. L’Amérique a été tant aimée, tant jalousée et tant désirée par tant de monde pendant plus de cinquante ans que la voir critiquée et vilipendée par ses anciens laudateurs est une blessure qui amplifie les dissensions internes et qui exacerbe les radicalités des yankees. C’est pourquoi l’Amérique ne peut plus perdre son temps, son argent et ses hommes à tenter de colmater les brèches ou à éteindre les braises que plusieurs de ses concurrents s’efforcent d’attiser ; la dispersion des efforts et l’accumulation des insuccès finiraient, d’une part, par venir à bout de cette considérable puissance, d’autre part, de mettre à mal cette immense fierté qui fonde toujours la « nation » américaine.

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ACTUEL 63 – La guerre « hors la guerre »

En quelques mois, depuis fin février, il semblerait, non pas qu’on ait seulement effacé un siècle de conflictualité pour en revenir aux guerres immobiles, dévastatrices et interminables des tranchées de 1915, mais qu’on soit projeté plus de cinq siècles en arrière, à la fin du moyen-âge, aux cruautés des guerres de religion mêlées aux hécatombes des épidémies de peste ; aux temps antérieurs au « jus ad bellum » et au « jus in bello », ceux de la guerre « sauvage » des milices (à l’exemple du groupe Wagner), que les codes et tournois de chevalerie n’avaient fait qu’estomper et seulement pour quelques-uns : le chevalier Bayard, brave et sans reproche, fut tué « par derrière » d’un coup d’arquebuse, arme pourtant condamnée par la Papauté. Cette juridisation de la guerre en même temps que sa militarisation ne l’ont guère adoucie mais lui ont donné un cadre qui, depuis la Confession d’Augsbourg, les Traités de Westphalie et les écrits de Hugo Grotius, n’a cessé de se renforcer et d’inciter les nations à limiter les exactions de leurs soldats.

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ACTUEL 62 – Le sort de l’Europe

Après la décision brutale en cette date symbolique du 22/02/2022 où le président russe a pris de court tous ses interlocuteurs en reconnaissant l’indépendance des deux oblasts séparatistes du Donbass, on pouvait encore croire à un coup de bluff ou, mieux, à la poursuite de la stratégie de grignotage de son étranger proche par le maître du Kremlin. Cette hypothèse semblait corroborée par les propos de l’ancien président Dimitri Medvedev le 21 février et rapportés par Le Monde : « Si on sait se montrer patients, ils se lasseront et ils reviendront vers nous pour parler sécurité stratégique et stabilité ». Les événements du 24 février sont venus démentir cette hypothèse relativement optimiste du pourrissement de la situation qui a prévalu après les coups de force précédents en Ossétie géorgienne, en Transnistrie moldave et en Crimée. Nous sommes tous confrontés désormais à la seule réalité qui est celle de la guerre.

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