Archives de l’auteur : vincent

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ACTUEL 67 – Chine, une course au sommet problématique

Avec la Chine, il arrive souvent qu’on marche à contresens ; son image est souvent trompeuse, soit qu’elle apparaisse masquée, soit qu’on en altère la vision. Alors qu’il y a à peine vingt ans la fulgurante ascension chinoise était regardée avec condescendance sinon avec indifférence, tant paraissaient infranchissables les obstacles de tous ordres qui s’opposeraient à elle tôt ou tard et plutôt tôt que tard, aujourd’hui la puissance de la Chine est jugée aussi hyperbolique qu’infatigable tant par les médias que par les experts. On a eu grand tort au début des années 2000 – et les Chinois au premier rang – de ne pas mesurer la portée mondiale de l’exceptionnelle émergence de ce pays colossal ; on se trompe sans doute en 2023, sinon sur les ambitions du moins sur les perspectives à moyen et long terme que l’empire du Milieu peut raisonnablement envisager tant pour son emprise mondiale que pour son développement futur.

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ACTUEL 66 – Le destin de l’Europe

Le thème du « déclin de l’Occident » est récurrent depuis un siècle ; je l’ai évoqué à de nombreuses reprises dans ces chroniques pour tenter de démontrer son inadéquation au monde réel tel qu’on peut l’interpréter de nos jours. La parenthèse supposée de quatre siècles de domination occidentale, selon l’affirmation du singapourien Mahbubani, se réduit-elle à une réalité historique fondée sur la seule maîtrise scientifique, n’est-elle que la traduction d’un conflit de civilisations exprimé sous la forme virulente d’un rejet anti-occidental et d’un sursaut d’orgueil, ou procède-t-elle enfin de fondements plus anciens, plus profonds, plus radicaux ? En apparence, l’argument avancé est moins idéologique ou politique que comptable : l’Occident tout-puissant serait désormais minoritaire et voué à un rôle second ! Les origines, les fondements et l’histoire de la civilisation européenne m’incitent à contester cette vision à mon avis superficielle du monde.

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Journal de la guerre 15 – Ukraine – février 2023

Des principes de la guerre

La guerre en Ukraine est une tragédie, au sens théâtral du terme, dont les divers actes se succèdent dans le respect des conventions avant de parvenir au dénouement, toujours douloureux, du cinquième acte. Nous en sommes probablement encore éloignés, au milieu du troisième acte sans doute – et j’y reviendrai plus loin – en espérant que le dernier acte ne soit point ultime pour le continent, au pire pour l’humanité. C’est effectivement le propre de la guerre d’être tragique car, selon sa logique, elle tend à aller aux extrêmes. Tel est l’essentiel de la pensée stratégique de Clausewitz d’avoir démontré que la nature de la guerre conduit à l’escalade et à la démesure : la fin y justifie les moyens, et c’est ce qui apparaît dans toute guerre, le chef ne se privant d’aucune des ressources, humaines et matérielles, qui pourraient permettre d’atteindre son but de guerre, à savoir sa propre victoire et en creux la défaite donc l’affaiblissement voire la destruction de l’adversaire. Dans la guerre conventionnelle, cette montée aux extrêmes ne se fait pas en un jour. On l’appelle « escalade » car il faut grimper les nombreux barreaux de l’échelle et surenchérir à mesure des résultats – les échecs notamment – pour espérer l’emporter : nombre d’hommes, qualité et quantité des armements, action psychologique et effroi sur la population, audace manœuvrière et capacité à prendre des risques politiques et stratégiques. Jusqu’à présent et malgré la disproportion des forces en présence, la guerre en Ukraine suit cette logique de l’escalade. C’est celle-ci que nous allons tenter de décrypter eu égard, d’abord, aux épisodes passés, puis, compte tenu de l’environnement mondial et européen, aux évolutions hypothétiques des mois à venir. Lire la suite

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ACTUEL 65 – Oncle XI et Docteur XI Jinping

La Chine bouge. Certes, ce n’est pas le grand soir espéré par certains et dont la probabilité serait faible à terme visible, le traumatisme de Tian’anmen étant encore dans toutes les mémoires. Mais quelques milliers de protestataires dans une vingtaine de villes phares du pays ont eu raison du dogme de l’infaillibilité xi-jin-pingienne, avatar récurrent et éculé de la sagesse impériale. Le scénario du repli dogmatique chinois est parfaitement relaté par Alain Frachon dans sa chronique publiée par le Monde du 8 décembre. On peut en extraire trois observations : la première colle à l’actualité et s’intéresse à la façon dont la Chine a géré l’épidémie de Covid 19 depuis trois ans ; la deuxième est relative au conflit de priorité politique chinoise, entre l’idéologie et l’économie ; la troisième est plus générale et concerne le débat démocratie versus dictature pour déterminer lequel de ces régimes politiques est le plus efficace.

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SINOCLE 2022 – Le dragon, roi de la tactique

Chaque culture a son bestiaire managérial. Héritiers de Machiavel et de La Fontaine, en politique comme dans le business, nous tenons le renard et le lion pour des figures tutélaires. Les Chinois ont le dragon et le loup.

Le dragon parce qu’il est l’animal qui traverse tous les mondes et s’adapte à tous les milieux avec son corps qui tient du serpent, du poisson, de la licorne, de l’aigle et du cerf. Animal multiple et transgenre dont la puissance est aussi impressionnante que la plasticité. Le loup parce qu’il a un flair hors-norme, n’a peur de rien, est fulgurant quand il attaque, chasse en meute et reste loyal jusqu’à la mort au chef de la bande. Animal indomptable et dévoué à ses frères, aussi endurant qu’implacable. Dragon et loup sont les deux animaux totems des entrepreneurs chinois, ceux qui inspirent leurs tactiques pour mieux diriger dans l’incertitude comme le raconte brillamment Sandrine Zerbib, la femme qui a fait réussir Adidas en Chine, autrice avec Aldo Spaanjaars de Dragon Tactics.

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