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Contre le terrorisme, le temps de la politique ! par Hervé Juvin

1 – La première victime du terrorisme est toujours la même : l’intelligence politique. S’il est une chose que les terroristes ont réussie, depuis le 11 septembre 2001, c’est détruire ce qui était la force de l’Occident : aller à la vérité des choses. Est-il permis de « ne pas être Charlie » ? Est-il obligatoire de lire Charlie Hebdo ? Entre les obligations de pensée et les interdictions d’opinion, la grande victime de la France de la censure et des vérités officielles est, tout simplement, l’intelligence. Elle nous manquera.
Il est difficile de ne pas rester ébahi devant la manipulation qui conduit des « faiseurs d’opinion » à conclure que les crimes de janvier sont la faute de l’islamophobie, du racisme, et finalement de la France et des Français ; en somme, de ceux qui ne savent pas reconnaître « les chances pour la France » ! Il est plus difficile encore de ne pas voir que les maîtres à penser de la conformation qui, depuis quarante ans, travaillent à la décomposition de la France et à la destruction du vivre ensemble, s’effraient devant les fruits empoisonnés de leur œuvre. Ils ne peuvent que refuser l’évidence et s’enfermer dans un déni qui, tôt ou tard, les étouffera.

2 – Les crimes de janvier 2015 ont moins à voir avec les suspects habituels – Al Qaida ou le conflit entre Israël et la Palestine, voire la fantasmatique revendication d’un lien avec le Yémen – qu’avec la grande criminalité d’abord, qui alimente un trafic d’armes dont l’ampleur dépasse apparemment l’imagination de nos dirigeants, et aussi avec l’histoire de relations franco-algériennes dont Djamel Beghal est un acteur et dont les fils ne sont pas déliés. Mais il faut surtout déjouer le piège des étiquettes et ne pas se laisser prendre aux revendications religieuses de convertis de fraîche date pour s’en rendre compte. Les auteurs des crimes sont les produits banals d’une modernité monstrueuse – d’une modernité qui produit les crimes qu’elle dénonce avec tant de force. Comme les Etats-Unis devant leur créature Al Qaida, les bobos de la gauche bien pensante s’affolent des maux dont ils sont la cause, eux, et le déracinement qui nourrit si bien le libéralisme financier. Les frères Kouachi, leur ami malien Coulibaly, ne sont pas les enfants de la misère ou de l’apartheid. La presse française s’est fait discrète pour dire que l’un d’eux avait été invité à l’Elysée au titre de la chance que la diversité représente ; qu’un autre avait figuré sur des plateaux de télévision la richesse créatrice de la France multiculturelle. Les images de l’athlète Coulibaly avec sa jolie amie algérienne sur une plage de Malaisie l’ont confirmé : pour ces Français qui ne prennent pas l’avion et qui n’ont pas de copine pour poser en string, l’excuse sociale ne joue plus.
Qui étaient-ils ? Qui sont-ils ? Les enfants du déracinement. Le refus des mairies de concéder un coin de terre à leurs sépultures dénonce tout autre chose qu’une appartenance collective : ce sont des hommes de nulle part. Ni Algériens ni Maliens puisque de nationalité française par naissance ; pas davantage Bretons, ou Lyonnais, ou Corréziens, et même pas musulmans de stricte observance, puisqu’on l’a bien compris, ils ne se refusaient aucune des facilités qu’Internet, le crédit à la consommation et les compagnies low cost permettent. Ce sont des hommes de rien, de nulle part et de personne qui ont tué. La modernité libérale fabrique des monstres ; il faudra la regarder en face.

3 – La désignation du coupable a vu proliférer ceux qui jettent la première pierre. Un suspect est pourtant passé au travers. La piété immigrationniste, devenue la religion d’après la religion dont les articles de foi se répètent sans inflexion, sans analyse et sans tolérance, est tout ce qui reste de sacré au socialisme sans le peuple. Tout blasphème contre elle vaut inquisition, et Charlie Hebdo n’était pas le dernier à convoquer les flics de la pensée contre les blasphémateurs du culte immigrationniste – puisque l’immigration est le Bien, qui peut aller contre ?
Trois étapes se sont succédé sur le sujet. La première : il n’y avait pas de problème d’immigration, et d’ailleurs c’était une chance. La deuxième : s’il y avait des problèmes, il était interdit d’en parler, de compter, de désigner et de nommer. Il y a même des lois pour interdire aux Français de se mêler de ce qui les concerne – qui vit sur leur sol, combien sont-ils, et d’où viennent-ils. Et la troisième, plus récente ; puisqu’il y a des problèmes avec les musulmans, c’est la faute des Français. Le rapport Tuot, du nom d’un plumitif du Conseil d’Etat, étant la dernière en date (mai 2014) de ces stupidités instituées ! Et l’on revoit fleurir la culture de l’excuse – pour eux – joint à celle de la culpabilité – pour nous. Faut-il porter toujours le péché originel des Croisades et de la colonisation, ou bien celle d’être Français ?
Le déni est consternant. Il favorise tous les fantasmes, accrédite tous les mensonges, il est plus grave qu’il interdise aux Français de décider de cette part primordiale de la politique de la Nation qu’est la politique de peuplement.
Deux réalités devraient sauter aux yeux. Primo, la laïcité n’épuise pas le sujet du rapport avec les religions, et d’abord parce que la laïcité française est fille aînée de l’Eglise ; c’est contre – tout contre – l’Eglise de Rome que s’est construite la laïcité française, et l’islam n’y a pas eu de place dans le passé ; en aura-t-il une dans l’avenir ? Ce n’est pas aux élus de la République, même improvisés experts en islamologie, de le dire ; c’est aux musulmans eux-mêmes, mais chacun voit bien que la réalité partout présente, du Maroc à la Turquie et de la Malaisie au Sénégal, d’un islam institué au cœur de l’Etat, des villes et des vies, ne prépare pas aisément à la laïcité à la française. Secundo, si l’intégration ne marche pas, ou moins bien, ce n’est pas que les Français soient devenus racistes, et sans doute le sont-ils bien moins que la plupart des autres peuples, c’est que les institutions intégratrices qu’étaient l’armée, l’école, l’entreprise sont affaiblies – les fameux « seuils de tolérance » sont tellement dépassés par l’immigration de peuplement qu’il n’est même plus question de les évoquer. C’est aussi que l’attraction de la France repose moins désormais sur un appétit de réussite et d’entreprise, comme aux Etats-Unis, que sur l’appât de l’assistance, financée par des classes moyennes lassées de payer pour se faire insulter. L’assimilation a fonctionné ; elle s’épuise. Est-elle d’ailleurs autre chose qu’une manière de détruire la diversité et de sacrifier à un universalisme épuisé ? Ajoutons, contre tous les effarouchés de l’identité, qu’il est d’autant plus facile de s’ouvrir à l’autre, de le reconnaître et de s’en nourrir, qu’on est sûrs de qui l’on est, de ce qu’on veut et de ce qu’on vaut ; le doute sur soi, la repentance et la défiance ne sont pas les moyens de l’ouverture.

4 – La faute stratégique la plus grave est de se tromper d’ennemi. Faut-il le rappeler, la France n’est pas en guerre contre l’islam, et s’il y a bien un problème avec des islamistes, c’est d’abord parce qu’on les a laissé entrer, ensuite parce que les désastreuses interventions occidentales qui se sont succédé, de l’invasion de l’Irak à l’assassinat de Kadhafi, puis au soutien des islamistes en Syrie et à la rupture des relations avec le gouvernement de Bachar El Assad, si nécessaires au contrôle des djihadistes français, mais si difficiles à renouer aujourd’hui, ont fait sortir de sa boîte le diable islamiste que la première vertu des partis Baas était de tenir enfermé.
S’il fallait un premier inculpé dans un procès qui n’aura pas lieu, ce serait la désastreuse politique étrangère de la France depuis qu’elle est enlisée dans un occidentalisme qui travaille utilement à faire du monde notre ennemi. Reprenons un peu. L’agression américaine contre la Serbie, et l’assassinat de seize journalistes de la TV serbe – qui a rappelé cet exemple du terrorisme d’Etat américain, en dehors de Noam Chomsky ? – a redessiné les frontières et créé au flanc de l’Europe deux Etat mafieux, le Kosovo et l’Albanie, dont proviennent peut-être les armes qui ont tué à Toulouse et à Paris. L’invasion de l’Irak, l’armement irresponsable des islamistes sunnites en Syrie, ont détruit deux régimes laïcs, d’inspiration socialiste, qui bloquaient toute entreprise islamiste et toute dérive mafieuse. Accessoirement, ils protégeaient ces chrétiens qui fuient par millions des terres qui sont les leurs depuis deux millénaires. Le crime commis en Libye contre l’Afrique et l’Europe, sans mandat des Nations unies, a supprimé un verrou essentiel contre l’immigration africaine, et semé du Mali au Niger jusqu’en Centrafrique, au Nigéria et au Cameroun, les armes et l’argent d’un islamisme mafieux aux effets effrayants sur les populations locales, sur la faune africaine (le trafic d’ivoire nourrit les milices Balaka comme les Shebab ou Boko Haram) et sur des Etats fragiles ; le retour à l’état tribal, aux guerres ethniques et religieuses d’une partie de l’Afrique est l’effet direct des interventions occidentales et du prétendu « devoir de protéger » qui valait chèque en blanc pour bombarder, détruire, éliminer tous ceux dont les fantasmes de l’Occident faisaient des ennemis, alors qu’ils n’étaient que différents.
Il faut en tirer une conséquence : la diplomatie des « Droits de l’Homme » et de l’occidentalisation du monde a rendu le monde plus dangereux, plus belliqueux et plus hostile qu’il ne l’était. Notre premier ennemi n’est ni l’islam, ni le Yémen ou l’Iran, et pas plus Poutine qu’Erdogan : c’est l’idéologie de l’individualisme systémique vulgairement exprimée en «  religion des Droits de l’Homme », qui nous fait oublier l’affirmation incorrecte, mais profonde de Goethe : « mieux vaut un ordre injuste que le désordre ». Les belles consciences du Quai d’Orsay ou l’intérêt national américain qui commissionne l’OTAN ont contribué à semer la désolation et la mort pour plus de 300 millions d’hommes, de l’Afghanistan au Nigeria, de l’Ukraine à la Centrafrique, et il faudrait s’étonner que la France, d’une manière ou d’une autre, en subisse les effets ?
Les premiers s’abattent sur nous, ici et maintenant. L’idéologie de l’individualisme dépouille l’individu de toute détermination. Sa manifestation la plus concrète et la plus dangereuse est ce sans-frontiérisme qui prétend faire de la France une société multiculturelle et somme les Français d’abandonner leurs valeurs, leurs structures religieuses et sociales, leur singularité – de ne plus être Français. L’erreur est dommageable. Pour exister dans le monde, la condition n’est pas d’abandonner ce que l’on est, c’est l’inverse ! Le marché qui les détruit, accorde le plus haut prix aux singularités résilientes et aux identités résistantes.
Le contresens est radical. Ce n’est plus le moment de déplorer l’affadissement général et la déculturation provoqués par l’avènement de l’individu ni de rappeler que les vraies différences sont collectives, et que la diversité est bien plus le fait de civilisations et de cultures que d’individus uniformisés par la consommation de masse ; c’est le moment de dire que jamais les frères Kouachi ou Coulibaly n’auraient fait ce qu’ils ont fait s’ils avaient été chez eux au Mali ou dans le bled algérien. Les structures des sociétés traditionnelles sont le meilleur garant contre le terrorisme. La sociabilité exigeante des sociétés holistes exclut les dérives individuelles fanatiques ou terroristes – ou les supprime dès l’origine. L’unité interne des sociétés politiques les préserve, non pas absolument contre le terrorisme, qui peut toujours et partout frapper, mais contre la guerre civile, qui en est l’un des produits possibles. La fin acclamée de l’unité nationale nous expose à ce que nous ne voulons pas nommer pour ne pas risquer d’en avoir peur.

5 – Notre second ennemi n’est autre que l’ignorance. Nous ne savons plus, nous ne voulons plus savoir ce qu’est une société au bord de la guerre civile qui suit l’invasion de son sol et l’imposition d’un ordre étranger ; car, enfin !, comment ne pas avoir dans les oreilles quelques très anciennes mises en garde quand on découvre qu’il est exclu de porter la kippa dans nombre de quartiers ou de transports, quand on apprend qu’aucun enfant juif ne peut être scolarisé dans les écoles publiques de quartiers ou de villes françaises, et qu’il est impossible d’enseigner ne serait-ce que l’histoire de la seconde guerre mondiale – ne parlons pas des camps ? Nous aurions pu savoir, et nous n’avons pas su, encore moins compris qu’il se passait quelque chose, en France, dans le métro, à l’école, chez nous. S’il ne s’agit là que d’anecdotes dans le déroulement heureux du multiculturalisme, on aimerait le savoir… Sans doute les exemples du Liban, du Brésil, du Mexique, mériteraient-ils examen ; ces sociétés, parmi les plus diverses du monde, sont aussi les plus violentes et les moins pacifiées. Mais l’on constate seulement cette réalité navrante : élus, analystes politiques, éditorialistes, bénéficient si bien de l’ordre social qu’ils sont incapables d’imaginer la réalité : l’effondrement sous eux de cet ordre, qui ne fait plus tenir entre eux que des îlots de confort et de sécurité sur fond de dés-aménagement territorial et de décomposition nationale… et de destruction accélérée de l’Etat régalien au nom des « politiques de la ville » et de l’assistance inconditionnelle !
Nous ne savons rien d’une société qui fait la guerre, pas davantage ce qu’est une religion qui garderait cette catégorie sociale disparue : le sacré. Marcel Gauchet a raison de le rappeler, nous ne savons plus ce qu’est une religion, nous ne concevons même plus les logiques que l’ordre religieux commande. J’ajouterai : à force de nous détourner du sacré, la société libérale nous rend aveugles au sacré lui-même et à ses dimensions politiques. Il en est une pourtant, et qui est essentielle : il y a religion quand le tout d’une vie s’y joue. Est pleinement et totalement religieux celle et celui qui sont prêts à tuer ou à mourir pour leur Dieu. Les autres aménagent leurs digestions bourgeoises, sommeillent pendant les sermons ou prennent une assurance « au cas où » après la mort il se passerait quelque chose. Le provincialisme français, si bien illustré par Charlie Hebdo, ne sait plus que du religieux continue d’agir dans le monde, que du sacré l’habite, et que le respect est la condition du vivre ensemble. Il oublie que tout ce qui se publie, se déclare, se dessine, est désormais partout et tout de suite visible dans le monde. Et il ne comprend pas que si la France est ouverte, si on l’a ouverte, le respect mutuel est la seule voie capable de prévenir la guerre civile, dont le spectre vient rôder autour de ce qui s’est appelé, voici longtemps, douce France. Dit brutalement : soit ils quittent la France, soit ils sont respectés dans leur foi et leurs mœurs.
A cette ignorance du fait religieux vient s’en ajouter une autre, tout aussi grave. Le mot guerre a un sens, et il a des conséquences. Il est sidérant d’entendre les martiales paroles prononcées par ceux qui entendent bien continuer à prendre des trains, des avions, à faire leur marché et à partir en week-end comme si rien ne se passait. La guerre n’est pas que pour les autres ! Il faudrait mieux entendre les chrétiens d’Orient, Coptes, Chaldéens ou Maronites, ou bien ceux qui défendent Israël, comme ceux qui parlent de Gaza : qu’ils aient tort, qu’ils aient raison, des deux côtés de la frontière, pour les vainqueurs comme pour les vaincus, la guerre change la vie – et les deux camps comptent leurs morts ! Rien n’est plus consternant que la manière dont des élus français parlent de renverser ici un chef d’Etat, là-bas de mettre au pas un pays qui ne s’aligne pas sur les intérêts de l’Ouest, là encore d’imposer des valeurs et des principes totalement étrangers à la société et au pays visés, au prix de quelques milliers ou centaines de milliers de morts, sans imaginer une seule minute que leurs actions unilatérales, vécues partout ailleurs comme des agressions, demeureront sans effet, et qu’ils peuvent changer le monde sans que le monde les change – ou les tue ! La contamination de l’exception américaine, qui prétend changer le monde sans en être changé en retour, est consternante ; la France n’est pas une île, et s’il est une grande France, c’est justement dans l’interaction permanente, acceptée et dynamique, entre elle et le monde qu’elle se révèle de la manière la plus singulière et la plus riche !
On verra la figure détestable de ce provincialisme dans ces journalistes qui réclament pour eux la liberté illimitée d’insulter leurs adversaires, et pour ces adversaires (comme Siné), la censure la plus rigoureuse contre toute tentative de se défendre, ou d’avoir d’autres cibles !

6 – Contre les crimes commis à Paris, contre les crimes qui nous menacent, chacun voit bien que la lutte antiterroriste, aussi nécessaire soit-elle, n’est qu’un exutoire. Et chacun des Français qui se sont un instant laissé prendre au vertige identitaire du « Je suis Charlie », qui criait d’abord « Nous sommes Français ! » sait bien que la réponse est, ne peut être, que politique – et que nous en sommes loin. Pire : que nous nous en éloignons.
Plus se font violentes, intrusives, les forces d’uniformisation du monde, plus la diversité, qui est la nature politique de notre « être dans le monde », s’affirmera violemment. La séparation est le seul moyen de la paix entre des sociétés diverses, également légitimes, également souveraines, mais distinctes. La confusion entre elles ne peut conduire qu’au conflit, sous toutes ses formes, dont le terrorisme est un aspect, et peut-être le prélude à d’autres, plus graves et plus destructrices. Le constat est sévère. Il n’est pas éloigné de celui que dressent des préfets, des gendarmes, des militaires ou des policiers concrètement confrontés au problème. Il signale un état de déni qui tient lieu depuis trop longtemps de politique sécuritaire – comme si refuser les dépôts de plainte réduisait le nombre des délits ! On retiendra d’une situation qui peut devenir explosive que la paix civile est un actif public bien supérieur à tous les actifs financiers qui figurent au bilan des banques, et que cet actif qui ne figure dans aucune comptabilité est en danger. La guerre civile n’est plus une fiction pour la France d’après-demain.
On en retiendra ce critère : tout homme, toute femme, qui se veulent hommes ou femmes d’Etat, seront jugés sur leur tenue face à cet inconnu qui nous guette. Se tiendront-ils debout ?

*

On en tirera pour leçon que la figure politique la plus nécessaire et la plus impensée de notre temps est la séparation. Que ce soit celle de la frontière, que ce soit celle du silence ou du respect, la séparation entre ceux qui ne partagent rien, entre ceux que leur foi religieuse, leur conception de la vie, leur mœurs et leurs usages, tout, et jusqu’à l’usage des femmes, opposent, la séparation est la seule garantie de la paix. Il fut un temps où la France savait le dire. C’était le temps où le Secrétaire Général des Nations unies, Boutros Boutros Ghali, affirmait sans être démenti : «  le Français est la langue des non-alignés ». Qu’en dirait-il aujourd’hui ? La prétention à l’exportation universelle d’un système occidental daté et situé, vulgairement affirmée comme « fin de l’histoire », le rêve d’une démocratie planétaire, abolissant toute diversité politique, exprimant tout aussi vulgairement l’aspiration à l’empire du monde, qu’un Jacques Attali situerait volontiers à Jérusalem, ne peuvent avoir qu’une conséquence : la guerre mondiale. Ses formes sont à définir, tant l’hyperpuissance américaine exclut aujourd’hui toute confrontation étatique. Ses formes sont déjà ce terrorisme qui est le revers de la privatisation de la guerre, dont les sociétés militaires privées sont l’avers, et qui ne se combattra pas par des moyens antiterroristes, mais par cette forme oubliée de l’intelligence qu’est la realpolitik – la géopolitique des permanences et des fidélités humaines -, et par cette forme supérieure de la pratique stratégique, qui est la modération et l’abstention. Mais la réalité d’une haine croissante de l’Occident, de la part de ceux-là mêmes qui se sont emparés avec appétit de ses techniques, de ses modèles, de ses systèmes, ne pourra plus longtemps être ignorée de ceux qui, à force de nous tromper et de se tromper eux-mêmes, se sont voulus citoyens du monde. Ils disaient que le monde était à eux, et la grande houle du monde des hommes, qui s’appelle liberté politique, les balaiera bientôt, eux, et leur petite paroisse, qu’ils avaient cru un empire !