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Les nouveaux somnambules

Nicolas Grimaldi, Grasset, 2015, pp 132 à 134.

« Ainsi y a-t-il, suggéré par le travail des artisans, un mode de raisonnement pragmatique. Il consiste à ne s’assigner pour fin que ce dont on peut réunir les moyens. Une telle logique conçoit donc le possible comme un réaménagement du réel. Comme c’est d’après leurs causes qu’elle en envisage les effets, c’est d’après le réel qu’elle détermine le possible. Ainsi font tous les réformateurs. Propre aux utopistes et aux idéologues, un autre mode de raisonnement consiste au contraire à s’assigner une fin et à en déduire, comme autant de conditions subsidiaires, l’ensemble des moyens indispensables à sa réalisation. A l’inverse de la méthode pragmatique qui fait du réel la mesure du possible, ce mode prophétique de raisonnement consiste à faire du possible la règle ou la détermination du réel. Il assujettit de la sorte toute réalité à ce qu’en exige une idée. Au lieu que le réel soit une condition du possible, voici qu’il en devenu un obstacle. Le possible ne peut alors s’accomplir qu’n dynamitant le réel, en le faisant exploser, en l’éliminant, en l’anéantissant. Ainsi font tous les révolutionnaires. A chaque fois, les gravats du réel sont les vestiges du possible.

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Du hasard à l’impuissance, une histoire sommaire de l’action stratégique (6)

La montée aux extrêmes ou le « tout stratégique »

Au tournant du XXe siècle, les organisations se sont solidement installées au cœur du pouvoir. Mais elles ont hérité deux caractéristiques du système précédent et des Lumières qui les poussent aux excès : la verticalité et l’idéologie. Chacune d’entre elles croit détenir la vérité ou au pire la servir. Chacune d’entre elles est hiérarchisée au point de concentrer tous les pouvoirs aux mains d’un seul homme. L’incarnation d’une idéologie à travers un homme servi par une organisation, telle est la dynamique explosive qui va provoquer les éruptions de violence du XXe siècle. Lire la suite

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Situation de la France

Pierre Manent – Desclée de Brouwer, 2015

« Les nations sont de grands êtres embarrassés, lents à se mouvoir et reportant sans cesse le moment de réfléchir et de décider. L’inertie est leur règle. Les citoyens pourtant travailleurs, réfléchissent, décident, investissent, que ce soit dans leurs familles, leurs associations ou leurs entreprises. Tant d’efforts individuels et collectifs parviennent rarement pourtant à modifier de façon perceptible la course ou la physionomie du gros animal. Les sociétaires consacrent une grande part de leur énergie à s’instruire et s’éduquer, mais il semble que l’être qu’ils forment ensemble n’apprenne point. Une seule chose en vérité paraît susceptible d’éduquer les nations, c’est l’expérience politique quand celle-ci est suffisamment brutale, pénétrante, bouleversante. De loin en loin, la guerre ou la révolution, ou tel autre « accident extrinsèque », comme disait Machiavel, force les membres d’une nation à « se reconnaître », à ressaisir les rênes d’une vie commune qui s’effilochait. Dans la crainte et l’espérance, chacun maintenant est saisi par la chose commune que la guerre menace de ruiner ou que la révolution bouleverse. Chacun en décidant pour soi décide pour le Tout ; en décidant pour le Tout, chacun décide pour soi. Les choix faits lors des heures ou des semaines décisives hanteront longtemps les vies individuelles comme la vie de la nation à laquelle en vérité ces décisions donnent sa forme pour plusieurs générations. Lire la suite

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Questions chinoises

La Chine restera un moteur de l’économie mondiale

La Chine restera un moteur de l’économie mondiale, car elle dispose d’opportunités d’investissement et de ressources intérieures suffisantes, a déclaré mardi Justin Yifu Lin, directeur et fondateur du Centre chinois pour la recherche économique et professeur honoraire à l’Université de Beijing.
« La Chine poursuivra sa croissance économique et restera le principal moteur de la croissance économique mondiale », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Moscou. M. Lin a écarté les spéculations sur les perspectives négatives de l’économie chinoise, liées au taux de croissance de 2015 qui était plus faible que les années précédentes. « Certaines personnes prédisent l’effondrement de l’économie chinoise. Je pense qu’elles ne comprennent pas la nature de l’économie chinoise », a-t-il dit. « Malgré les inquiétudes entourant l’économie chinoise, les objectifs ont été atteints, comme on peut le voir ». Lire la suite

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Le monde est clos et le désir infini

Daniel Cohen – Albin Michel, 2015

Où va le travail humain
« …tout va au gagnant ! Dans le capitalisme postindustriel, les modes de rémunération tendent à tout donner au « meilleur » et rien au second. C’est le star-system…On l’appelle aussi l’« effet Pavarotti » : pourquoi acheter un autre album que celui du meilleur artiste ? Le phénomène s’observe partout, qu’il s’agisse des musées, des livres, des sportifs, des médecins, des avocats ou des patrons. Surabondante, la société de l’information crée une économie de la réputation qui fait monter de manière disproportionnée la rémunération de celui qui est considéré comme le meilleur. Quel que soit le mécanisme exact, le résultat est sans appel. Aux deux bouts du monde de l’emploi se crée une formidable asymétrie : les salaires vont en haut et les emplois vont en bas. C’est le milieu, la classe moyenne, qui disparaît. L’idéal démocratique qu’elle est censée incarner en est profondément marqué.

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Mémoire « défense et sécurité »

(Texte rédigé en octobre 2015 à l’intention des candidats à l’élection présidentielle de 2017)

Depuis vingt-cinq ans, la politique de défense et de sécurité de la France court toujours, d’ajustements en remaniements, après son adéquation à un environnement conflictuel complexe et fluctuant. Faute de projet politique et de vision stratégique, les finalités du système de sécurité comme les missions de l’appareil militaire restent mal définies, soumises à de fortes contraintes externes (ressources humaines et financières), orientées par des présupposés dépassés (préjugés, menaces…). L’absence d’un organisme d’analyse et de réflexion stratégique auprès du Président de la République ne permet pas au chef des Armées de disposer d’une appréciation de situation exhaustive ainsi que des éléments d’orientation, voire de redéfinition, de la politique de défense et de sécurité. Confier tous les dix ans à une Commission du Livre blanc le soin de l’éclairer en la matière paraît singulièrement insuffisant et en tout cas inadéquat au regard des enjeux. La situation de non-guerre (ou de crise) dans laquelle se trouve le monde depuis la fin de la guerre froide, en l’absence de menace ostentatoire – à l’exception de celle du terrorisme, inappréciable par définition – oblige à identifier les risques qui pèsent sur notre environnement et les vulnérabilités de nos modes de fonctionnement. Ce nouveau paysage stratégique, complexe et peu conventionnel, devrait nous conduire, ne serait-ce que par précaution, à passer d’une posture de défense à un système de sécurité. Parmi les multiples volets de ce dernier, celui concernant la sécurité du territoire et la protection des populations (Ordonnance du 7 janvier 1959) devrait retenir l’essentiel de notre attention ; en s’assurant toutefois que cette préoccupation territoriale ne consiste pas en un « repli hexagonal » systématique mais à une vision élargie de la sécurité à l’ensemble du continent européen et, au-delà, à ses périphéries.

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L’Europe est-elle en guerre ? par Jean-Dominique Giuliani

Jean-Dominique Giuliani, Institut Robert Schuman

Le Président de la République française a décrété la France en guerre et invoqué l’article 42 § 7 du Traité d’Union européenne. Les Etats membres « lui doivent (donc) aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir ».
Pourtant aucun dirigeant européen n’a voulu employer le mot. Lire la suite

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Le fléau du terrorisme n’est pas un épiphénomène sans racines

Le Quotidien du Peuple en ligne

Après les attentats terroristes de Paris, Bernard Cazeneuve, le ministre français de l’Intérieur, a appelé à la dissolution des « mosquées qui diffusent l’idéologie de la haine ». Plus tôt cette année, les autorités françaises avaient dit que « les imams étrangers qui prêchent la haine seront expulsés, leurs mosquées seront fermées ». Cette attitude vient d’être réitérée, et elle est considérée par de nombreuses personnes comme une nouvelle déclaration de fermeté de la France de lutter contre les attaques terroristes.
Aujourd’hui, plus la France affiche une attitude dure, plus elle obtient l’approbation des gens, tout comme après le 11 septembre, quand la décision des États-Unis de lancer la guerre en Afghanistan fut rapidement adoptée presque à l’unanimité par le Congrès, puis le renversement de Saddam Hussein, qui reçut également un soutien allant au-delà des partis. Mais les faits montrent que, dans l’excitation suivant les attaques terroristes, les sociétés occidentales ont trop aisément surestimé les effets des opérations de représailles, sous-estimant la complexité des sources du terrorisme à éliminer. Lire la suite

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La Chine garde un esprit ouvert envers le TPP, par Zhang Jianping*

Le Quotidien du Peuple

L’Asie-Pacifique, la région la plus dynamique du monde sur le plan économique actuellement, réunit trois des économies les plus avancées du monde ; elle ne cesse, du fait du grand nombre de pays membres, de la taille de sa population, de son énorme poids économique et de la complexité de ses mécanismes d’intégration, d’attirer l’attention du monde. Depuis la réunion de l’APEC de l’an dernier à Beijing, les membres de l’APEC ont fait des progrès significatifs dans la promotion de l’intégration économique régionale et la construction d’une zone de libre-échange en Asie-Pacifique.
En octobre 2015, douze économies de l’APEC sont parvenues à un accord-cadre sur le TPP (Accord de Partenariat Trans-Pacifique). Le TPP établit des normes plus élevées en matière de critères sur le commerce et l’investissement, les services transfrontaliers, la propriété intellectuelle, la protection de l’environnement, les marchés publics, etc., pour de nombreuses zones de la région Asie-Pacifique, et crée un nouveau système de règles commerciales et d’investissement. Bien que la Chine ne figure pas parmi ces pays, elle garde cependant un esprit ouvert envers le TPP. Lire la suite

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Civilisations, L’Occident et le reste du monde, par Niall Ferguson

Saint-Simon, 2014

Conclusion (extraits, pages 291 à 314)

« Les civilisations sont des systèmes extrêmement complexes composés de très nombreux éléments qui interagissent et s’organisent de manière asymétrique : leur enchevêtrement ressemble davantage à une termitière de Namibie qu’à une pyramide d’Egypte. Ces systèmes fonctionnent entre ordre et désordre, « au bord du chaos »…Ils peuvent sembler fonctionner de manière stable pendant un temps, en état d’équilibre apparent, alors qu’ils sont constamment en train de s’adapter. Puis vient un moment où ils atteignent un « état critique ». Une petite perturbation peut alors déclencher une « phase de transition » allant d’un équilibre paisible à la crise. Un seul grain de sable supplémentaire, et un château de sable en apparence solide peut s’écrouler. […] Lire la suite