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Le G20 de Hangzhou

Le Sommet du G20 de Hangzhou arrive au moment opportun
Jacques Martin pour le Quotidien du peuple

Dans l’évolution des relations de la Chine avec l’économie mondiale et sa gouvernance, le prochain sommet du G20 arrive à un moment opportun.
Ces deux dernières années cependant, la Chine est passée d’un statut d’acteur passif à un rôle de plus en plus proactif. Plutôt que d’être une simple suiveuse de la mondialisation, elle est de plus en plus une fabricante et une façonneuse de celle-ci. La Chine ne peut plus être accusée d’être un franc-tireur, ce qui, de toute façon, a toujours été une accusation injuste envers un pays en développement qui était un nouveau venu dans l’économie mondiale. Les deux exemples les plus évidents du nouveau rôle de la Chine sont la création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, qui sera sans conteste la plus importante institution de financement des infrastructures en Asie, avec des adhésions qui s’étendent à travers l’Asie et l’Europe; et le projet « Une Ceinture et une Route », qui promet d’être le programme de développement multinational le plus ambitieux jamais vu.
Le plus gros problème auquel la Chine va faire face en tant que pays hôte et président du Sommet du G20 est que, bien que sa portée mondiale se prolonge et s’intensifie dans toute une variété de façons – Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, projet « Une ceinture et une route », investissements étrangers, expansion du rôle du RMB, et internationalisation de ses entreprises -, la croissance du commerce international et de l’investissement a diminué. Plus grave encore, il y a des signes croissants d’une révolte populaire contre la mondialisation en Occident. Les deux illustrations les plus éclatantes de cette situation sont l’argumentation fréquente autour de l’élection américaine, selon laquelle la mondialisation a été néfaste pour les salaires et les perspectives d’emploi de la classe ouvrière américaine. L’autre exemple est le vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni. La question centrale posée par ces développements consiste à savoir si la dynamique de la mondialisation est ou non chancelante et si elle ne commence pas à se fissurer.
Ces tendances ne peuvent pas être balayées sous prétexte qu’elles jouissent d’une profonde vague de soutien populaire aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs. Le problème n’est pas la mondialisation en soi, mais le type de mondialisation qui a été poursuivi ; c’est-à-dire que de larges fractions de la population aux États-Unis et en Europe n’en ont pas bénéficié, tandis qu’une minorité de riches en ont profité, aggravant ainsi les inégalités et alimentant le ressentiment.
Les quatre thèmes retenus pour le Sommet sont très pertinents. « Ouvrir une nouvelle voie pour la croissance » est le problème clé auquel fait face l’économie mondiale au moment où la croissance ralentit. L’illustration la plus spectaculaire de ce dernier se trouve en Europe et aux États-Unis. L’Occident n’a jamais récupéré de la crise financière et ne montre aucun signe qu’il va le faire. L’économie de l’UE est à peine plus grande qu’elle ne l’était en 2007 et fait maintenant face à la perspective quasi certaine d’une décennie perdue ; les États-Unis ont certes fait un peu mieux, mais leur taux de croissance reste cependant décevant. La réponse politique à la stagnation a été largement insuffisante tant aux États-Unis qu’en Europe. L’un comme l’autre se sont appuyés massivement sur la politique monétaire, et surtout l’assouplissement quantitatif, qui ont nettement échoué à relancer la croissance.
Le danger auquel fait face l’économie mondiale est une nouvelle baisse de la croissance, la stagnation de l’Occident, l’affaiblissement de l’intégration et une tendance à la fragmentation. Il est maintenant clair que la crise financière qu’a connue l’Occident a marqué la fin de l’ère de la mondialisation qui a commencé vers 1980 et a inauguré une nouvelle période de très faible croissance de cette région.
L’importance de la Chine est que, selon les normes mondiales, elle connaît encore une croissance très rapide et reste fermement attachée à l’importance de la mondialisation et de l’interdépendance. Elle est en position de force – tant du fait de ses performances que de son engagement envers la mondialisation – pour proposer un autre modèle pour l’avenir fondé sur la croissance, la coopération et un autre type de mondialisation. L’Occident doit adopter une réponse politique différente, qui reconnaît la nécessité de renforcer la demande effective. Il n’est pas possible d’y arriver en se fondant sur la seule politique monétaire. Les États-Unis, par exemple, sont affligés d’infrastructures dégradées qui entravent leur croissance. Ils ont besoin de déverser de grandes quantités d’argent pour renouveler leurs infrastructures, comme ils le firent dans le cadre du New Deal dans les années 1930.
Permettez-moi de mentionner pour terminer la deuxième priorité identifiée pour le Sommet : une « gouvernance économique et financière mondiale plus efficace et efficiente ». Il y a clairement, dans ce domaine, une crise sous-jacente et qui s’intensifie. Il y a eu un changement radical dans le centre de gravité de l’économie mondiale, qui est passé des pays développés vers les pays en développement au cours des 40 dernières années : au milieu des années 70, le monde développé représentait les deux tiers du PIB mondial ; d’ici à 2030, ce chiffre ne devrait plus représenter qu’un tiers. Pourtant, la structure de la gouvernance économique formelle mondiale a relativement peu changé au cours des dernières décennies.
Les deux développements les plus significatifs ont été le remplacement de facto du G7 par le G20 et les changements tardifs dans le système de vote au FMI et à la Banque mondiale. Au niveau « informel », il y a eu des changements beaucoup plus nets, notamment la création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures et de la Nouvelle banque de développement, et l’émergence du Renminbi comme monnaie internationale. Le projet « Une Ceinture et une Route » préfigurera aussi de nouveaux modèles de gouvernance bilatéraux et multilatéraux. Ces changements sont l’embryon d’une nouvelle structure de gouvernance économique mondiale qui se trouve dans le processus de création.
Le problème avec la structure formelle actuelle est qu’elle ne reflète plus la répartition du pouvoir économique dans le monde. Une conséquence importante en est que le FMI et la Banque mondiale n’ont plus les ressources nécessaires – car elles sont dépendantes, pour la plupart, des pays occidentaux et du Japon – pour financer une économie mondiale beaucoup plus grande, et qui est de plus en plus concentrée dans les pays en développement. On aurait pu penser qu’un rôle évident pour la BM aurait été le financement du développement des infrastructures en Asie. Mais parce que c’est une institution occidentale, elle n’a ni les ressources ni la volonté politique, ni la priorité, pour le faire.
Étant donné que la Chine est actuellement, et de loin, le développement le plus positif dans l’économie mondiale et que la Chine est au cœur de l’avenir de l’économie mondiale et de sa gouvernance, le Sommet de Hangzhou est un moment historique. Si la Chine peut à cette occasion offrir de nouvelles propositions imaginatives, alors elle pourrait bien faire du sommet une occasion particulière.