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L’apaisement Cuba/Etats-Unis : enfin ! par Diego Mermoud*

Le 17 décembre, à travers deux allocutions simultanées, les présidents Barack Obama et Raul Castro ont annoncé l’apaisement des relations diplomatique entre les Etats-Unis et Cuba. Après plus de 53 ans de rupture, ce jour historique annonce l’ouverture d’une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays. Sur l’île, l’heure est à l’euphorie.
Ce début de normalisation n’a pu avoir lieu qu’après les libérations de trois agents secrets cubains retenus aux Etats-Unis ainsi que d’un citoyen et d’un agent secret étasuniens à Cuba.
Cet échange était la condition sine qua non pour rétablir la confiance entre les deux nations. C’est un premier pas inédit vers un accord global et définitif. Concrètement, M. Obama a annoncé l’ouverture d’une ambassade à la Havane, et des facilités pour voyager, commercer… Les Etats-Unis tentent clairement de favoriser la petite économie capitaliste naissante sur l’île dans le but d’émanciper progressivement la société civile de la tutelle de l’Etat castriste.
Par ailleurs, il s’agit d’un véritable revirement stratégique de la politique étasunienne. Comme l’a reconnu M. Obama, l’embargo économique et l’isolement politique n’ont pas fonctionné. Le hard power de l’Oncle Sam n’a pas porté ses fruits dans son ancienne arrière-cour. C’est pourquoi Washington privilégie dorénavant une diplomatie plus en douceur, cherchant à défendre et promouvoir les valeurs du pays.
Certains parleront d’une défaite, mais il s’agit en réalité d’une non-victoire des Etats-Unis qui, par là, reconnaissent enfin la souveraineté nationale cubaine.
Les conditions favorables à cette normalisation des relations ont été patiemment mises en place ces dernières années par Raul Castro. Délaissant les dogmes communistes défendus par son frère Fidel, le président cubain a préféré des réformes progressives mais ambitieuses : investissement dans le tourisme, renforcement de la coopération diplomatique avec le reste de l’Amérique latine. Le partenariat avec le Brésil pour la construction d’un port de classe international à Mariel, à 45 km de la Havane, symbolise ce nouvel élan qui souffle sur Cuba et rassure les Etats-Unis.
Même si la journée est historique l’embargo demeure. Maintenant, il appartient au Congrès de lever les sanctions. Une normalisation complète des relations entre les Etats-Unis et Cuba laisse augurer une amélioration de la coopération des Etats à l’échelle du continent américain.
Le bloc anti-impérialiste qui s’est formé au cours de la dernière décennie a affaibli l’influence des Etats-Unis dans la région, et handicapé le dialogue entre le sud et le nord. Jusqu’ici, Cuba restait à la fois le symbole de la résistance face à l’arrogance yanqui et un point crucial d’inflexion dans la coopération interaméricaine.
Lorsque M. Obama conclut son intervention par « Todos somos Americanos », il s’adresse à l’ensemble de l’Amérique latine et place le peuple cubain non plus comme un facteur de division mais de rapprochement. Dès lors, le réchauffement des relations entre Cuba et les Etats-Unis ouvre une nouvelle ère de coopération dans un respect mutuel sur tout le continent Américain.

* Chercheur associé à l’IPSE.