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L’Europe est-elle en guerre ? par Jean-Dominique Giuliani

Jean-Dominique Giuliani, Institut Robert Schuman

Le Président de la République française a décrété la France en guerre et invoqué l’article 42 § 7 du Traité d’Union européenne. Les Etats membres « lui doivent (donc) aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir ».
Pourtant aucun dirigeant européen n’a voulu employer le mot.
L’incontestable élan de solidarité populaire qui s’est manifesté à l’égard de la France meurtrie n’a, pour l’instant, trouvé aucun suite concrète. Il y en aura, certainement. Seront-elles à la hauteur de la menace alors que la France demande de l’aide militaire en Syrie et en Irak, mais aussi en substitution sur d’autres théâtres (Sahel, Liban, République centrafricaine) où ses forces sont en première ligne dans l’intérêt de l’Europe ?
Il y a chez les Français, quelque chose de spécial. Attaqués, ils veulent se défendre et s’en donnent les moyens. La France, éventuellement critiquable à bien des égards, ne saurait l’être pour le savoir-faire de son armée et la compétence de sa police ; ni pour son esprit de résistance, qui fait partie de son âme. De ses trois qualités, elle démontre encore la réalité et l’efficacité.
Elle est aujourd’hui frappée d’un immense traumatisme et d’un profond sentiment de solitude. Les Français redoutent que leurs partenaires européens répugnent à l’usage de la force. Or, si l’emploi de la force ne suffira pas à réduire le terrorisme, il est évident qu’il ne saurait être vaincu sans la force, c’est-à-dire la seule véritable preuve d’une volonté. Sans réaction européenne concrète et vigoureuse, assumée et proclamée, une profonde division se creuserait entre les Français et l’Europe.
Nous sommes désormais confrontés à une véritable guérilla urbaine, menée par une armée, organisée comme par un Etat, utilisant les pires moyens et des soldats étrangers ou de l’intérieur. Notre devoir est de la combattre et cette lutte s’inscrit dans la durée. Il y aura encore des actes aussi horribles et peut-être pires. N’ayons aucun doute, ils frapperont partout même s’ils commencent d’abord par ceux qui se battent.
Pour toute communauté, quel que soit le nom qu’on lui donne, un péril qui met en danger autant de vies humaines emporte avec lui beaucoup de certitudes, à commencer par les plus subtiles constructions et les préventions les mieux justifiées.
Le projet européen consiste, depuis l’origine, à instaurer la paix entre les nations du continent. Il a réussi au-delà de toute espérance. Désormais attaqué de l’extérieur, il doit, comme souvent hélas dans l’histoire de l’humanité, apprendre à se battre pour son mode de vie et ses valeurs, en fait pour sa survie. Qu’importe si cela porte un autre nom que la guerre ! Mais c’en est bien une.