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Il faut inverser les pôles…, par Mounir Milles*

Il y a quelques jours, je m’interrogeais encore sur l’opportunité d’aller au rassemblement dit des « musulmans de France » place de la République le dimanche 6 décembre. J’avais émis des réserves, considérant que la lutte contre le fanatisme religieux ne devait pas pour les musulmans de France se dissocier de la communauté nationale ; que s’il était nécessaire d’affirmer son refus d’un islam noir, nous devions tous nous unir pour démontrer à ces fous notre attachement à la République, à la France, et à quel point nous faisons partie de ce peuple. Je ne veux rien renier de cet engagement et de ces principes auxquels je crois.
Cependant, la réalité et les échanges que j’ai eus depuis m’obligent à faire évoluer cette position, car le temps est venu pour nous, musulmans de France, de nous rassembler et d’affirmer au pays autant qu’à tous ces fanatiques, qu’ils soient Daesh, al Qaïda et autres, qu’ils ne seront jamais ni le choix ni la solution. Que nous les combattrons et que jamais nous ne renierons notre pays et/ou notre terre d’accueil, cette notion sacrée du « vivre ensemble », et tout ce qui fait la République et ses valeurs.
Il est urgent d’agir car le péril est là !
Nombre de nos compatriotes, inquiets, attendent de notre part une réaction sans équivoque, et on peut les comprendre.
En effet, après l’horreur de 2012 et les crimes commis par Merah, nous nous sommes tus. Nous réfugiant derrière la sacro-sainte formule « l’islam, c’est pas ça ». Et on nous a défendus : la France, ses autorités, son peuple nous ont défendus !
En janvier, lorsque les frères Kouachi ont exterminé presque tout l’état-major de Charlie Hebdo et après les tueries de Coulibaly, le peuple rassemblé rappela son attachement à la liberté d’expression, son refus de tout amalgame, pendant qu’encore une fois nous restions silencieux, nous réfugiant derrière la même rengaine : « l’islam c’est pas ça ».
Quelques mois plus tard, Sid Ahmed Ghlam s’apprêtait à commettre un attentat et Yassin Salh décapitait son patron et envoyait la photo de son acte à un Français parti en Syrie….Et puis, le pire, la tuerie de masse était évitée dans un Thalys mais malheureusement pas à Paris.
Nous n’avons plus le droit de nous réfugier derrière ce trop facile poncif « l’islam c’est pas ça ». Notre devoir est de nous lever et de nous opposer avec force et détermination. Et nous devons combattre par le verbe et par les idées les tenants d’un islam radical ! Et nous devons dénoncer aux forces de police et aux pouvoirs publics ceux qui ont choisi de bafouer notre religion et de tuer en son nom ! Agir ainsi ce n’est pas agir contre l’islam, c’est au contraire le préserver de ceux qui l’ont criminalisé et en falsifient le message. Si en démocratie chaque homme est responsable de ses actes, il en va de même en théologie où chaque homme est responsable de sa religion. Ce constat nous oblige.
Ainsi nous devons nous ressaisir et riposter ensemble comme Français et comme musulmans. La minorité agissante ne peut vaincre la majorité silencieuse. A nous d’inverser les pôles ! Nous le devons à notre foi autant qu’à ce pays qui a accueilli hier nos grands-parents et/ou nos parents, nous a donné les moyens de construire nos vies et de nous épanouir en son sein, et qui est aujourd’hui le nôtre.
Bien sûr, se rassembler ne résoudra pas les problèmes et nous devrons mener ce combat chaque jour et dans la durée. Mais ce rassemblement aura au moins deux avantages immédiats. D’une part, il permettra de rassurer l’ensemble de nos compatriotes qui, encore aujourd’hui, malgré l’effroi et face à l’horreur, refusent tout amalgame mais attendent, et c’est légitime, que nous réagissions. D’autre part, il démontrera à tous les intégristes, apprentis terroristes et imams autoproclamés qu’ils ne sont pas les dépositaires de notre religion, de sa pratique et de notre foi.

* Fondateur du collectif NOOR (Nous ! Œuvrons contre l’Obscurantisme et le Radicalisme).